08/03/1915 – Journal intime de Maxime

218e jour de guerre. Maxime sait qu’il joue gros. Il s’encourage, pense à ceux qu’il aime et espère en un avenir meilleur.
Lundi 8 mars. Oh ! Ah ! Du nouveau. Du beau nouveau. En pleine tranchée, à 100 mètres des Boches. Le baptême du feu. La cantonade est intense. Quelle promesse samedi soir dans les boyaux. Dimanche et lundi, quelle veille ! J’ai assisté à des choses terribles. Les deux nuits ont été dures et froides. Neige vers 6 h du matin. Il est 10 heures, on chargera vers midi et d’après ce qu’on raconte autour de moi, eh bien ! ça sera dur. Et on risquera gros d’y rester, tout comme ces pauvres cadavres qui sont là près de nous sans que nous puissions les ensevelir honnêtement. On va charger. Debout Max, adsum de plus belle, pense à Jean, à Stacha, à Strowski, à Mme Don, à tes parents. Pense à ton passé, et s’il faut mourir, meurs confiant en un avenir de beauté et de douceur. Meurs avec le sourire, souffrir vaillamment et adsum, mon bon Claudel jusqu’au bout.
Maxime est tué le 9 mars à Perthes-les-Hurlus.

07/03/1915 – Journal intime de Maxime

Dimanche 7 mars 1915. Avant-dernière lettre de Maxime. Le lendemain, il donnera la charge. Si près des lignes ennemies, il dit distinguer le sifflement des obus de celui des oiseaux. Mais la douleur est partout…
Un mot de mon trou, mes parents chéris. Me voici un vrai poilu. Je suis terré à 100 mètres des Boches. Les obus passent et repassent en sifflant au-dessus de nos abris et les oiseaux sifflent un doux accompagnement.
Aujourd’hui ou hier soir plutôt, ça été mon baptême du feu. Je m’y ferai, quoique ça soit très énervant. De la douleur partout, des cadavres près de soi, et une demi-gaité pourtant, malgré la boue et la pluie.
Bons baisers mes parents chéris. Si on ne donne pas d’assaut, j’ai de grandes chances de vous lire bientôt lors de mon retour au cantonnement.
Danger perpétuel maintenant, confiance quand même. Adsum, mes parents chéris.

04/03/1915 – Journal intime de Maxime

214e jour de guerre. Maxime connaît ses premiers frissons du bombardement et ce que vomit la guerre. Des ruines, des chevaux pelés, des hommes hagards… et le massacre en perspective.
Jeudi 4 mars 1915. 14 heures. Quelles péripéties, quel voyage ! Départ à 7 heures du matin dans de chics autos. Bon départ. Ceux qui restent ne sont pas fiers. Berger se cache. St-Pierre ne crâne plus. Une immense tristesse. Moi, un sourire forcé.
En route, nous traversons Châlons. Gens charmants. On distribue joyeusement aux soldats du tabac, confiture, chocolat. Moi-même, je me bourre. Ah ! Cette brave limousine où l’on court vite sur la route. Brave auto. Ça me rappelle mes excursions avec Mme D. et mes rêves et mes extases. On arrive dans des villages désolés. St-Étienne où les maisons ne sont plus que ruines, hormis le bistrot inspecté par les officiers boches. Quel spectacle ! Des voitures et en quel état, et des chevaux tout pelés, des hommes sales et de toutes armes. Puis les maisons nouveau style « hutte », trous dans la terre, tentes recouvertes de feuillage. Canons cachés. On campe dans les forêts pour se mieux cacher. Enfin, la boue et les poilus de la tranchée. Mon cœur saute en les voyant. Suippes, on continue à filer. Somme, Suippes, tout le monde descend. Promenade dans la boue. On gagne le 102 qui est dans la forêt cantonnée. Le canon tape. Premier arrêt. Un aéro au-dessus de nous, un obus en l’air pour le descendre, l’aéro s’échappe, mais nous, un petit frisson, ça nous l’a valu.
Arrivé au cantonnement. Deux aspirants, camarades du Mans. Puis, oh surprise Métadier, Métadier en sous-lieutenant. Ça, c’est bon. Il est gentil comme toujours. On me présente à mon sous-lieutenant, mon commandant de compagnie. Il m’accepte avec lui, bonne hutte avec chaleur et bonne chair. Ça va.
Pauvre 102. Rudement amoché. Dans son attaque du 24 février, plus charges sans résultat, un dur massacre. Tous, hommes et chefs ont encore la vision du charnier. Et ce sera dur de les faire recharger.