29/01/1916 – Lettre de Denis à Camille

Denis est très inquiet. Il n’a aucune nouvelle de Camille depuis le bombardement. Il donne des nouvelles de Jeanne qui se rétablit et de Charles qui travaille au ministère de la Marine.
Portrait de Denis Mon cher Camille,
Nous attendons avec impatience une petite carte de toi. Comment vas-tu ? Écris-nous sans retard dès que tu auras reçu cette carte. Je t’envoie un mandat-carte de 10 francs. As-tu reçu celui de janvier ? Jeanne est rétablie, elle va bientôt reprendre ses cours, elle demande de tes nouvelles, écris-lui une petite carte ainsi qu’à Marius qui m’en a demandé également. Tu dois avoir son adresse. Ton frère Charles a été de service cette nuit au Ministère, il se repose aujourd’hui, mais il est très occupé. Bohdane va bien, sa toux est passée sans qu’elle ait eu besoin de voir un médecin. Elle se joint à moi et à Charles pour t’embrasser affectueusement et pour te prier de nous écrire sans retard et plus souvent. Ton oncle Denis.

04/01/1916 – Lettre de Denis à Camille

Denis et Bohdane rappellent les bons souvenirs des fêtes d’antan où Maxime était parmi eux. Une grande tristesse les étreint. Jeannette est toujours malade et Charles prend deux jours avant son départ pour Cherbourg pour lui rendre visite à Matha.
Portrait de Denis Mon cher Camille,
Nous avons reçu ta carte du 29 décembre et nous avons été bien touchés de tes vœux et de tes sentiments affectueux. Puisses-tu nous revenir bientôt en bonne santé et te reposer de tes fatigues et des épreuves que tu supportes.
Je crois aune l’année 1916 sera la fin de la guerre et que nous aurons enfin la victoire attendue depuis si longtemps.
Nous avons passé bien tristement ces premières journées de la nouvelle année, et nous avons senti plus vivement les vides que la mort a faits autour de nous  ; heureusement que ton frère Charles était près de nous. Hier soir, il a reçu un permis gratuit qu’Émilia lui a envoyé et le soir il est parti pour La Rochelle et pour Matha. Il faut qu’il soit de retour le 6 avant minuit à son Dépôt de Cherbourg. Il a voulu absolument aller embrasser cette chère petite Jeannette qui était malade et qui n’a pas pu arriver. Jeanne va mieux et va se lever aujourd’hui pour la première fois, elle sera bien heureuse d’embrasser son frère et de causer avec lui pendant quelques heures.
Charles a été hier au ministère de la Marine, il ne sait pas encore quelle sera son affectation. Heureusement il ne fait pas froid et tu dois moins souffrir dans les tranchées.
Courage et patience. Écris-nous. Bons baisers. Ton oncle Denis.

Mon petit Camille, nous avons été touchés par ta carte si affectueuse et pleine de cœur. Oui, notre Maxime est pour nous tous un vide si immense que rien ne peut consoler. En ces jours de fêtes, réunions de famille autrefois, on souffre doublement ! Courage, mon petit Camille. dans trois mois, tu nous reverras. Je t’envoie aujourd’hui un colis par la Poste. J’attends pour t’envoyer de l’alcool de savoir si le à réchaud à gourmette n’est pas plus commode. Bons et affectueux baisers. Bohdan.
PS. Jeannette est mieux. Elle a écrit hier. Charles nous rapportera de ses nouvelles.

31/12/1915 – Lettre de Denis à Camille

Denis et Bohdane expriment leur tristesse de savoir Camille si loin d’eux pour ces fêtes. Ils se disent certains que cette nouvelle année annoncera la fin de la guerre et la victoire « achetée par tant de deuils ».
Portrait de Denis Mon cher Camille,
Tu seras loin de nous demain, isolé, mais j’espère que l’année qui commence sera plus clémente, moins douloureuse et nous apportera enfin la victoire achetée par tant de deuils. Je te souhaite une bonne santé et un prompt retour parmi nous.
Charles est parti mercredi à Cherbourg et nous n’avons pas encore de lettres de lui. Nous ne connaissons pas sa destination. Dès que j’aurai son adresse, je te l’enverrai.
Jeannette va mieux, mais elle ne peut venir à Paris.
Je t’embrasse bien affectueusement. Ton oncle Denis.

Mon cher Camille, Nous pensons à toi plus spécialement encore aujourd’hui en cette fin d’année qui a été si cruelle pour nous. Aie courage et patience mon cher Camille, cette année tu reviendras parmi nous victorieux. Heureusement que ton ami Bador est avec toi, tu seras moins isolé. Nous passerons aussi tristement ces fêtes qui rappellent tant de souvenirs. As-tu reçu le colis et le réchaud. Je vais t’envoyer de l’alcool. Bons baisers, Bohdane.

24/12/1915 – Lettre de Bodhane à Camille

La lettre de Bohdane est tendre et attentionnée. C’est le jour du réveillon de Noël, et son cœur saigne : Camille le passera cette année encore loin des siens alors que Maxime n’est plus.
Mon cher Camille,
J’étais occupée hier quand notre cher oncle arrivait. Aussi, je t’envoie aujourd’hui mon affectueux souvenir en ce jour de Noël, si triste pour nous cette année. Espérons que le Noël 1916 nous réunira tous, mais le vide immense qu’ont laissé pour nous tous notre chère Tante et notre Maxime chéri sera éternel et dans ces jours de fête, notre cœur saignera toujours. Nous te savons aux tranchées, mon petit Camille. Notre pensée t’y suivra. J’espère que tu vas bientôt recevoir le colis envoyé le 18. Je t’enverrai bientôt une boîte d’alcool solidifié. Lis-tu les livres que nous t’avions envoyés ? Les trouves-tu intéressants ? Charles est revenu chez nous ce matin, de retour de La Rochelle. Il repart mercredi pour Cherbourg. Écris-nous souvent, car nous nous inquiétons quand nous ne recevons pas souvent de tes nouvelles. Mon bras va mieux, c’est du rhumatisme. Nous t’embrassons bien tendrement. Courage et espoir ! Ta cousine Bohdane. Bonjour à Bador.

23/12/1915 – Lettre de Denis à Camille

Noël approche et Camille est loin. Il passera les fêtes sans sa famille. La lettre Denis se veut encore plus tendre que d’habitude. Il cherche aussi à faire vibrer chez son neveu la fibre patriotique pour qu’il se rappelle pourquoi il se bat et qu’il doit lutter jusqu’au bout pour rendre la France victorieuse. Noël sera bien triste dans la famille endeuillée.
Portrait de Denis Mon cher Camille,
J’ai reçu ta carte du 21 de ce mois ; merci pour ton souvenir et tes vœux affectueux. Oui, mon cher enfant, nous passerons tristement ces jours de fête qui seront pour nous des jours de deuil. Il manque déjà trop d’êtres que nous aimions tant, ta tante, Maxime et Bernard. Mais toi, tu es jeune, il faut que tu sois courageux en face de l’adversité. Il faut lutter jusqu’au bout et espérer que la victoire viendra couronner les efforts de la France et des alliés. Oui, espérons que l’année prochaine, nous serons tous réunis.
Ton frère Charles doit revenir demain vendredi et Jeanne a écrit qu’elle arriverait ce lundi.
Bons baisers de nous tous, mon cher Camille, sois courageux le jour de Noël. Ton oncle Denis.

13/12/1915 – Lettre de Denis à Camille

Denis donne des nouvelles de Charles qui doit repartir, cette fois-ci à Cherbourg, puis revenir et repartir à nouveau pour une destination inconnue. Il raconte combien on est fiers de sa Croix de guerre. Il a hâte que Camille ait enfin une permission. Dans cette attente, il lui souhaite un bon courage et de la patience.
Portrait de Denis Mon cher Camille,
Charles est encore à Paris jusqu’à demain, il partira à Cherbourg et reviendra avec une permission de 6 à 7 jours pour repartir ensuite définitivement, il ne sait pas où encore. Nous l’attendons aujourd’hui pour lui dire au revoir, il est 3 heures, il n’est pas encore là. Hier, nous avons été avec lui chez les Birmann qui l’ont beaucoup gâté et l’ont félicité pour sa Croix de guerre. Il a été également à Saint-Germain-en-Laye voir Henriette et les enfants.
Émilia, Émile et Dédé nous ont écrit qu’ils arriveraient demain mardi pour voir Charles, mais je crois qu’il sera trop tard, car il doit partir demain à 10 heures du matin à Cherbourg.
Écris-moi si tu as reçu les objets envoyés par Banoun et l’alcool solidifié avec un crayon à encre par la poste. Bohdane t’enverra un colis plus gros pour Noël.
La température est devenue plus clémente, mais la pluie a dû être très abondante en Belgique comme ici et tu as dû en souffrir.
Nous espérons bien que tu viendras en permission dans quelques mois, car on voit depuis quelque temps beaucoup de permissionnaires et ton tour ne manquera pas de venir. Courage et patience, mon cher Camille, et bons baisers de nous deux et de Charles. Ton oncle, Denis.
Nous pensons bien à toi. Jean va mieux, il espère bien te voir quand tu viendras en permission.

Je t’embrasse tendrement, mon cher Camille, Courage, Bohdane.

24/10/1915 – Lettre de Camille à Denis

Camille se prépare à repartir au front, mais sans le colis qui ne lui est pas encore parvenu. Il attend toujours des nouvelles de Jean, qui semble être malade ou blessé. Le froid s’installe pour de bon.
Portrait de Camille Le front (Belgique)
Chers parents,
Suis en bonne santé. Je monte aux tranchées ce soir. Il fait déjà très froid ici. Je n’ai pas encore reçu votre colis. Merci beaucoup de vos bons souhaits ainsi que pour ce colis. Je n’ai rien reçu de Jean. J’espère qu’il va mieux. Je n’ai pas revu Charles depuis que je vous l’ai indiqué. Je compte le voir dimanche prochain, dans huit jours.
J’espère que votre santé est bonne. Bons baisers. Votre neveu. Camille.

19/10/1915 – Lettre de Camille à Denis

Camille se morfond dans sa tranchée. Pour tromper son ennui, il commande à son oncle quelques livres, dont un d’anglais pour se perfectionner. C’est la deuxième lettre qu’il termine avec une phrase allusive, compréhensible certainement par le destinataire, mais absconse pour tout autre lecteur, sans autre précision. Quoi qu’il en soit, des allusions qui révèlent une complicité affectueuse, qui font ressurgir des souvenirs… partagés avant le départ au front sans doute.
Portrait de Camille Le front (Belgique)
Chers parents,
Je suis en bonne santé. Rien d’important à vous signaler, si ce n’est que le temps paraît long dans la tranchée. On finit par s’y ennuyer à rester ainsi oisif. Aussi, je vous serais très reconnaissant de m’envoyer quelques petits livres intéressants de littérature, ainsi que quelques livres classiques et entre autres un livre d’anglais, afin de me perfectionner en cette langue.
Envoyez-moi aussi un rouleau ou deux de papier collant afin de coller mes cartes-lettres, car mon cahier a passé la nuit dehors et il n’y a presque plus de colle sur les bords.
J’espère que vous êtes tous deux en bonne santé. Bonjour à Rose. Je vous embrasse tous les deux affectueusement. Votre neveu qui vous aime. Camille.
Qui est-ce qui fait le « lèche-pot » maintenant ?
Je n’ai rien reçu de Jean encore.

18/10/1915 – Lettre de Camille à Denis

Camille écrit dans les tranchées. Il parle du temps qu’il fait, du brouillard et des belles après-midi d’automne, et des feux d’artifice incessants offerts par le camp adverse.
Portrait de Camille Le front, Oostduinkerke (Belgique)
Chers parents,
Voici encore 2 jours de tranchées de tirés. Encore 2 autres. Les nuits commencent à devenir fraîches maintenant. Un épais et froid brouillard s’élève le matin vers 1 heure environ et persiste jusque vers 9 heures. Le reste de la journée est belle, nous avons de superbes après-midi d’automne.
Enfin, on ne s’ennuie pas de trop tous en commun ; nous avons l’agrément fréquent d’un joli feu d’artifice.
J’espère voir Charles jeudi ou vendredi prochain.
Je suis en bonne santé. J’espère qu’il en est de même pour vous. Je vous embrasse affectueusement. Bien à vous. Camille.
Et mon camarade, il doit s’ennuyer maintenant. Est-il toujours sur la tablette à côté du piano ?

15/10/1915 – Lettre de Camille à Denis

Camille repart le lendemain dans les tranchées. Il a reçu un colis de journaux, dont Le Matin… Il préférerait Le Temps ou Le Pèlerin, car Le Matin arrive jusqu’au front et est disponible à la vente. Il souhaite que son oncle lui mentionne les bons articles à lire. Il entame une correspondance avec le fils des amis de son oncle, Jean Birmann. Maxime en a beaucoup parlé dans son journal intime. Recevoir du courrier, de belles lettres, joliment tournées, doit être primordial pour ces hommes qui risquent leur vie tous les jours et se sentent si seuls dans cette furieuse tempête qui s’éternise.
Portrait de Camille Le front, Oostduinkerke (Belgique)
Chers parents,
Je reçois vos charmantes lettres à l’instant. Je vous remercie de songer à moi ainsi. Inversement, je ne vous oublie jamais et ne patiente que dans l’espoir de vous retrouver le plus tôt possible. Je vous remercie pour le colis de journaux que vous m’avez envoyé. Cependant, il est inutile de m’envoyer Le Matin et le journal ici, car on peut se les procurer chaque jour moyennant 0,10 franc. Nous alternons René et moi pour l’achat de l’un d’eux. Ce qui m’intéresse le plus c’est Le Temps et Le Pèlerin. De même que si vous trouviez certains articles intéressants dans des livraisons quelconques, vous seriez bien aimable de mes les envoyer en soulignant ces bons articles.
Je n’ai pas vu Charles pendant ces deux jours de repos ; cependant, en allant porter mon linge chez Irsa (?), j’en ai eu des nouvelles par elle ; il est en bonne santé ; elle l’a vu hier soir, le 14 octobre. Ma santé est excellente, j’espère qu’il en est de même pour vous. Je monte aux tranchées demain soir. Je place dans cette carte-lettre une pensée cueillie sur les dunes de Belgique à quelques kilomètres des Boches. Bons baisers, mon cher oncle et ma chère cousine.
Vivement la paix qui finira mon exil !
J’ai écrit à Jean Birmann, hier, une lettre très cordiale. J’espère qu’il ne tardera pas à me répondre. Je suis, en effet, certain que son amitié est précieuse et agréable puisque Maxime se l’était approprié presque entière. Il écrit si gentiment, si bien. Bien à vous. Camille.