Jeanne implore son petit frère chéri d’être prudent tout en l’exhortant à faire son devoir. Est-ce compatible ? Elle lui conseille de s’en remettre à Dieu et d’y puiser le courage. Elle réalise que la guerre va durer, que son Camille va partir au front et qu’il pourrait ne pas revenir.
La Rochelle,
Mon cher petit Camille,
Je suis bien étonnée et inquiète de ne rien recevoir de toi. Es-tu parti sur le front ? Mais dans ce cas tu aurais écrit avant ton départ ; quoi qu’il en soit, je tremble ; peut-être es-tu malade ? Donne vite de tes nouvelles, mon cher petit frère, ne tarde plus. Pense que nous sommes tourmentés.
Je suis à La Rochelle depuis quelques jours, je retourne à Matha mardi prochain. Écris-moi donc là-bas, je ne pense pas que ta lettre arriverait ici avant mon départ. Écris aussi à Émilia qui s’inquiète. Tes petits neveux sont en bonne santé et t’embrassent. Henri devient mignon au possible.
Quelle tristesse partout, quand se termine cette maudite guerre si remplie de souffrances et d’épreuves. J’étais loin de penser que tu partirais aussi au feu, mon frère chéri ; quels tourments incessants ! Fais ton devoir, mais soit prudent, mon petit Camille, reviens-nous, pense à notre douleur sans cela.
Charles m’écrit qu’il a fait ses Pâques dans les tranchées, pense aussi au Bon Dieu, mon Camille, prends auprès de Lui la vraie force et le courage, c’est la seule consolation.
Allons, vite, dis-moi ce que tu deviens, où faut-il t’écrire. J’envoie ma lettre à Pontarlier toujours, on fera suivre si hélas ! tu n’y es plus. J’espère que de toute façon cela te parviendra.
Toute la famille t’embrasse et je t’envoie mes plus affectueux baisers. Ta petite sœur Jeanne.