16/01/1916 – Lettre de Jeanne à Camille

Jeanne se relève peu à peu de sa maladie. Elle ne reprendra pas sa classe avant un mois. L’air de la mer ne lui fait guère de bien, elle rechercherait plutôt l’air de Paris. Elle forme pour cette nouvelle année deux vœux bien précis : que la guerre finisse et que son frère en revienne.
Jeanne Matha,
Mon cher petit Camille,
Sois rassuré, je vais bien mieux, depuis deux jours le temps étant favorable, je puis sortir un peu. La semaine prochaine, j’irai, je pense, à Paris pour changer d’air selon l’au du docteur qui ne veut pas que je reprenne ma classe avant le mois prochain. J’aurais été à La Rochelle, mais l’air de la mer ne me vaut rien et le voyage à Paris est trop fatigant. Ce sera pour Pâques. Oui, j’ai eu la joie de voir Charlot, qui n’a pas craint sa fatigue pour me faire ce grand plaisir. J’ai de bons petits frères… Mercredi dernier, Émilia est venue me voir avec Dédé, nous avons passé ensemble quelques bonnes heures trop courtes. Je suis heureuse de te savoir en bonne santé, mon petit frère chéri, je n’ai pu t’écrire pour le jour de l’An, mais j’ai formé pour toi de bons vœux malgré ma maladie. Que la guerre finisse et que tu nous reviennes bientôt, c’est mon plus grand désir. Dieu sait encore ce qui va se décider pour Charlot, cela me tourmente. Charles m’a raconté comment dès ton arrivée en Belgique, tu as dû subir un bombardement, pauvre petit frère, que c’est dur cela !
Écris bien vite. Reçois les meilleures tendresses et les baisers de ta petite Jeannette.
Courage toujours ! C’est pour la France et la Pologne que tu souffres…

09/12/1915 – Lettre de Jeanne à Camille

Jeanne espère que Maxime, du Ciel, continuera de protéger son frère Camille. Son autre frère Charles ne le pourra plus, puisqu’il quitte le front pour l’instant. Jeanne redoute que son petit Camille se retrouve ainsi isolé des siens. Elle est cependant soulagée que leur oncle soit si présent auprès de lui par ses lettres, ses mandats et ses colis. Arrivera-t-elle à tenir le coup ? Elle est de constitution si fragile, elle dit poursuivre son traitement. Qu’adviendrait-il d’elle si son petit frère venait à disparaître lui aussi ? Pourrait-elle supporter un nouveau deuil ?
JeanneMatha,
Mon bon petit Camille,
J’ai reçu ce matin ta carte. Je commençais à trouver que tu étais bien long à m’écrire. Heureusement, ta santé est bonne, mon cher petit frère, c’est là le principal. Espérons que Dieu continue à te protéger ; nous avons du reste là-haut un puissant intercesseur en notre frère bien-aimé, n’en doute pas mon petit Camille. Je ne m’étonne nullement que nos parents si bons te comblent de lettres et de colis, ils t’aiment ! Je sais que tu n’as pas ainsi à souffrir de trop grandes privations que moi, hélas !, ne pourrais empêcher. Et c’est un si grand regret pour moi, crois-moi, mon cher frère chéri !
Je regrette que Charlot s’éloigne de toi, à moins qu’il ne reste maintenant à l’abri, mais que va-t-on en faire, je me le demande.
Ma santé est bonne en ce moment. Je continue mon traitement.
J’irai à Paris si j’obtiens la permission que j’ai demandée.
Reçois toutes les tendresses et les baisers de ta petite sœur Jeannette.

28/07/1915 – Lettre de Jeanne à Camille

Jeanne a hâte de partir à Paris pendant les vacances scolaires. Elle pourra ainsi embrasser son frère Camille. Elle espère que Charles sera d’ici là en permission.
Jeanne Matha,
Mon petit Camille,
Dès que j’aurai reçu ma réduction pour La Rochelle, je partirai et de là pour Paris. Si je la reçois assez tôt, j’ai l’intention d’arriver à Paris samedi soir, de sorte que nous pourrions passer le dimanche ensemble si, comme je l’espère bien, tu te trouves à Paris.
Merci pour ta bonne carte ; je suis contente, mon petit frère, que tu puisses ainsi aller chez nos chers parents si bons pour nous toujours. Ce contact avec eux te fait du bien.
Charlot attend toujours sa permission. Je voudrais que tu ne partes pas avant qu’il arrive.
À bientôt, mon petit Camille, je l’espère. Reçois les affectueux baisers de ta Jeannette.

04/08/1915 – Lettre de Jeanne à Camille

Jeanne est encore retardée dans son départ pour Paris. Elle est contrainte de soigner son neveu qui s’est sérieusement brûlé. Mais Camille restera-t-il tout le mois d’août à Paris ?
JeanneMatha,
Mon cher petit Camille,
Tu savais sans doute que je comptais arriver à Paris demain soir, jeudi. Mais impossible encore de partir ce jour-là. Le petit Henri s’étant fortement brûlé au bras, il faut s’occuper sans cesse de lui, il souffre beaucoup. J’attends donc quelques jours qu’il y ait un peu de mieux.
C’est un nouveau retard pour nous revoir. J’espère que cela ne se prolongera pas. Si samedi je puis partir, nous passerions le dimanche ensemble, si toutefois tu es libre ce jour-là. J’enverrai un mot pour fixer mon arrivée définitive cette fois…
Tu es toujours en bonne santé, j’espère !
Es-tu sûr toujours de rester à Paris tout le mois d’août ?
Toute la famille t’embrasse et moi je t’envoie mes affectueux baisers. Jeannette.

18/05/1915 – Lettre de Jeanne à Camille

« Confiance, élevons nos cœurs ! » exhorte Jeanne en achevant sa lettre… Jeanne si fébrile à l’idée de perdre son frère. Elle souhaite qu’il reste le plus longtemps protégé à Pontarlier, loin des lignes ennemies. A-t-elle fini par admettre qu’elle ne reverra plus Maxime ? Et Charles qui est aussi au front… La santé de l’oncle Denis s’améliore, et toute l’attention se reporte sur le bien-être de Camille et son confort… jusqu’au fil et aux aiguilles.
JeanneParis,
Mon cher petit Camille,
Nous avons reçu tes bonnes lettres, merci mon petit frère, elles nous ont fait grand plaisir. Tonton et Bohdane te répondront bientôt. Écris leur le plus souvent possible et longuement, ainsi que tu l’as a-fait, cela leur fait du bien et à ta petite sœur aussi tu penses bien.
Que fais-tu en ce moment ? De nombreuses marches sans doute, ne te fatigues-tu pas trop ? Enfin, heureusement que ta santé est bonne ! Le climat des montagnes te fait du bien, comme je désire que tu restes le plus longtemps possible à Pontarlier.
La santé de notre cher oncle est meilleure ; mon séjour à Paris nous a fait un peu de bien à tous trois ; pour moi, ma santé est bonne, notre cousine me soigne si bien comme toujours, et ils sont si bons tous deux. Charles t’a-t-il écrit ? Nous avons eu des nouvelles il y a peu de jours, il se porte bien. As-tu reçu le petit colis de cousine, une chemise ? Elle y a ajouté du fil et des aiguilles, les as-tu trouvés ? Elle pense à tout et à tous cette bonne cousine ! Écris donc bien vite, dis si tu as reçu l’envoi. Reçois de bons baisers de ta petite sœur Jeanne.
Courage toujours, cher petit frère ! Confiance, élevons nos cœurs !
Tonton et cousine t’embrassent. Tonton désire t’écrire aujourd’hui, je vais mettre ma carte avec sa lettre.

06/05/1915 – Lettre de Jeanne à Camille

La santé de Jeanne est vacillante au point tel qu’elle est obligée de laisser sa classe pour se reposer une vingtaine de jours. Elle est à Paris, chez son oncle Denis. Mort ou disparu, que croit-on vraiment ? Marius a bien parlé de décès de Maxime ; or toute la famille parle de disparition et d’espoir…
Jeanne La Rochelle,
Mon cher petit Camille,
Je suis à Paris depuis 2 jours pour quelque temps, sans doute une vingtaine de jours ; me trouvant un peu fatiguée, on m’a permis de laisser ma classe un peu de temps. Ignorant si tu étais toujours à Pontarlier je ne savais pas où t’écrire.
Nous avons reçu hier la visite de Madame Albert. Quelle bonne idée tu as eu de l’envoyer ici, elle nous a donné de tes nouvelles de vive voix. Elle nous a dit que tu avais passé un moment avec eux et que ta santé était excellente. Son fils, dit-elle, est ton chef d’escouade, caporal sans doute.
Tu va partir, soit courageux mon frère chéri, mais sois prudent, je t’en prie, ne t’expose pas inutilement, reviens-nous. Votre pensée ne nous quitte pas, je pris pour vous… Je t’embrasse affectueusement. Tonton et cousine me chargent de t’embrasser.
Tu vas partir, notre angoisse va encore augmenter. Écris très très souvent alors, ne serait-ce qu’un mot à l’un de nous.
Nous avons eu hier des nouvelles de Charles, sa lettre est du 27. Il s’est battu pendant 15 jours sans repos, le pauvre petit est très fatigué. Cependant, après 2 jours d’arrêt, il doit reprendre, il a dû écrire à tout le monde. Tu auras aussi des nouvelles, sans doute. Nous sommes très attristés au sujet de notre Maxime. Écris souvent, nous avons tant de chagrin. Il faut être courageux ! Jeanne.